
Avez-vous connu des fins d’accueil difficiles ?
Oui, il reste difficile de s’y préparer. J’ai vécu l’expérience
d’un accueil merveilleux avec des jumeaux. Ce sont plutôt
les parents qui m’ont accompagné dans la séparation avec
leurs enfants. Cet accueil a été d’emblée important, une
sorte de « coup de cœur ». Lors de la première rencontre,
une congruence s’est produite entre moi et la maman, qui
avait subi une fécondation
in vitro
(Fiv).
Accueillir des jumeaux a été d’une grande richesse.
Patients entre eux et d’une complicité infinie. Je les ai vus
s’entraider et progresser.
Ce sont des moments comme ceux-là qui font qu’on aime
ce métier ?
L’accueil est une triade, comprenant les parents, l’enfant
et l’assistante maternelle. Si l’alchimie entre ces trois par-
tenaires a lieu, l’accueil se passera bien. Mais si la relation
est bien engagée avec les parents, la relation entre l’en-
fant et moi sera bonne également.
A contrario
, si la sépa-
ration d’avec la mère et l’enfant se fait mal, cette difficulté
se répercutera sur l’accueil et l’assistante maternelle en
subira les conséquences.
Quelle place accordez-vous aux câlins ?
Chacun sait que les trois premières années de l’enfant
sont importantes pour son développement et sa construc-
tion. Demander de prendre de la distance sous le prétexte
que l’on n’est pas la mère est une aberration. Si un enfant
est malade ou fatigué, il me semble juste de le prendre
sur ses genoux ou dans ses bras ! L’enfant a un besoin
immense de tendresse. L’assistante maternelle doit pou-
voir donner sans attendre de retour nécessairement.
Mais plus les enfants grandissent, plus je prends de la
distance. Une fois que les enfants ont pris leur envol, je
cultive moins cette dimension affective.
Comment voyez-vous votre avenir ?
Dans ce métier, aucune journée ne se ressemble et
chaque jour est différent selon l’humeur des enfants et
celle des parents. C’est d’ailleurs à partir de l’état d’esprit
des enfants que j’évalue les activités et les sorties à faire
dans la journée et comment l’accueil se déroulera.
Il y a un moment, j’ai envisagé une reconversion vers un
autre métier, sans succès. Je vais donc tenter d’évoluer
dans la même filière en prenant en charge l’accompagne-
ment des assistantes maternelles. Je constate en effet que
nombre de collègues éprouvent des difficultés à remplir
leur contrat, leur déclaration d’impôts… J’agis déjà dans ce
sens en tant que bénévole dans le cadre de l’association
d’assistantes maternelles dans laquelle je suis adhérente.
Ce bénévolat m’apporte une grande satisfaction person-
nelle et une forme de reconnaissance. C’est très agréable
de faire plaisir autour de soi. On me renvoie l’image de
quelqu’un au contact chaleureux, même si je le fais gra-
tuitement et sans rien attendre en retour. Le bénévolat
est l’art de la gratuité du cœur, du geste et du temps.
Il n’a pas de valeur et donc n’a pas de prix non plus.
Ce modèle me vient de très loin. Je peux le situer et le
dater du collège quand les professeurs me sollicitaient
pour aider d’autres élèves.
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Vous et votre métier
Vous et votre métier
Vous et votre métier
Vous et votre métier
Vous et votre métier
Vous et votre métier
Vous etvotremétier
Vous etvotremétier
Vous etvotremétier
Vous et votre métier
numéro 139 - décembre 2016 - janvier 2017
peut se rencontrer et discuter de notre métier. Les enfants
apprécient particulièrement ce moment.
Je participe aussi à « l’atelier du tout-petit », de l’atelier
Poulbot à Sevran, une fois par mois. Atelier encadré éga-
lement par une EJE proposant des activités autour de la
découverte de la matière, du modelage, de la peinture, et
tout autre jeu favorisant la sensorialité de l’enfant, y com-
pris pour ceux qui sont réfractaires au toucher et ont des
difficultés à se calmer, s’apaiser. Ainsi, on constate que
l’eau a un pouvoir particulièrement apaisant, calmant et
décontractant.
Est-ce difficile pour des parents de laisser leur enfant âgé
de quelques mois ?
Bien sûr. Et cette difficulté est renforcée par la mécon-
naissance de notre métier. Les parents ne savent pas
exactement comment se déroule la journée de leur
enfant chez une assistante maternelle. Pour les rassurer,
lors des premiers jours de l’accueil, j’envoie dans la jour-
née des MMS et je consigne dans un petit carnet ce qu’a
fait leur enfant. C’est systématique, les premiers jours de
l’accueil avec une photo de la première sieste, du premier
repas…
Votre accueil semble davantage axé sur la découverte par
les enfants ?
C’est vrai. Je passerai des heures à les observer jouer. Je
pense important les temps réservés aux jeux libres et à
l’imagination
sans
constamment les solliciter. Certains
parents proposent constamment à leur enfant des acti-
vités quotidiennes : musées, médiathèque… L’enfant a le
droit à son rythme propre.
Je propose un accueil qui est davantage maternel, rassu-
rant, tourné vers le bien-être de l’enfant et l’accompagne-
ment sans être dans la surenchère d’activité. Être dans
l’affectif engendre de la difficulté aussi, car on peine à
trouver le recul nécessaire.
De nature instinctive avec les enfants, les parents me per-
çoivent comme une professionnelle. J’ai besoin d’échan-
ger mes connaissances
avec celles d’autres profession-
nelles en matière de pédagogie, d’éveil...
Mais ne possédez-vous pas déjà ce savoir ? Ce doute est-il
justifié ?
Ce doute n’est pas justifié. J’ai acquis un professionna-
lisme par mon expérience, mais je ne suis pas une diplô-
mée de la petite enfance et pourtant un de mes traits de
caractère est la perfection. C’est un moteur pour avancer
et aller plus loin, pour se dépasser. Parfois, je recommence
des formations que j’ai déjà faites pour approfondir et en
tirer le maximum d’informations.
L’isolement n’est-il pas responsable de ce besoin d’être
rassurée ?
Je ne suis jamais seule à la maison. Chaque matin, je me
rends soit au Ram, à l’association, à la bibliothèque, à la
maison de quartier… Tous ces lieux permettent de ren-
contrer d’autres assistantes maternelles de secteur géo-
graphique différent et de favoriser de nouvelles connais-
sances.