
Émotions
numéro 139 - décembre 2016 - janvier 2017
Il pleure, il tape des pieds, se roule par terre ou rit aux éclats… Derrière ce comportement et ces
réactions courantes, le tout-petit affiche ses émotions positives ou négatives qui échappent encore
à son langage et à ses aptitudes cognitives à verbaliser. Entrons dans ce langage de l’émotion si
particulier et proposons à l’enfant de les exprimer à l’aide d’un outil, le tableau des émotions inclus
dans ce magazine.
En tant qu’expression d’un élan de vitalité, l’émotion
signe nos joies et nos peines, et parle de nos tristesses
ou terreurs, mais comme langage subjectif, elle échappe
à l’investigation scientifique depuis longtemps, car elle
est entachée du sceau du doute et de l’irrationalité. Elle
s’inscrit dans cette dichotomie classique entre raison et
passion, corps et esprit… Plutôt qu’un signe éclairant,
elle a longtemps constitué un « parasite » à éradiquer.
Développement émotionnel à chaque âge
Pourtant, le développement émotionnel fait l’objet de
recherche et est de plus en plus souvent décrit que ce
soit dans la rhétorique des théories du développement
personnel que des études cognitives. Ainsi, certaines
recherches scientifiques nous donnent des points de
repère.
La théorie de l’attachement nous enseigne que les com-
pétences émotionnelles se développent dans l’enfance et
sont indexées sur la perception sécurisante que l’enfant
a pu se faire du monde extérieur par la qualité de soins
reçue et leur caractère prévisible. Un environnement
sécurisant et la qualité de la relation offrent une base de
stabilité émotionnelle aux tout-petits pour lui permettre
de se construire socialement et de façon singulière.
Certes, les connaissances actuelles ne permettent pas
encore d’affirmer que le nourrisson exprime toute la
gamme des émotions primaires, car la même expres-
sion du visage peut faire référence à différents types
d’émotion. Leur différenciation progressive se fera au
cours du développement cognitif.
On sait cependant que le bébé de 3 jours discrimine et
imite des expressions du visage de la joie, de la surprise
et de la tristesse. Vers 3 mois, le tout-petit peut faire la
distinction entre la surprise et la joie ou la tristesse. À
cet âge, le bébé répond différemment au visage souriant
ou renfrogné. À partir de 5 mois, il distingue les expres-
sions émotionnelles positives des expressions négatives.
Il faut attendre 7 mois pour que le bébé soit capable de
coupler des informations visuelles et auditives de nature
émotionnelle.
Quant aux émotions secondaires comme la honte et la
culpabilité, elles apparaitront au cours de la deuxième
année avec la conscience de soi. La théorie de l’esprit
émerge en effet vers 3 ans, moment où surgit sa capa-
cité à reconnaître les émotions des autres et à se repré-
senter leur état mental : reconnaissance des désirs et
des intentions, et appréhension des croyances et des
attentes d’autrui sont le fait de la cinquième année.
Par ailleurs, jusqu’à 4 ou 5 ans, l’enfant ne peut expri-
mer que ses propres émotions sans les déguiser. Après
cet âge, il devient capable d’imiter une émotion qu’il ne
ressent pas (capacité à dissimuler son émotion).
Le tableau des émotions :
comment ça marche ?
Dans l’expression et la régulation des émotions, l’en-
vironnement est primordial selon qu’il facilite ou au
contraire limite et contraint leur affirmation. Accueillir et
encourager les émotions de l’enfant, l’écouter, lui donner
la permission de libérer ses tensions est une attitude qui
lui permettra de se construire une personnalité solide et
une plus grande sécurité intérieure, indispensables pour
appréhender le monde de demain et devenir un adulte
conscient de ses limites et de son potentiel ! Ces com-
pétences sociales comme on les appelle ou cette intel-
ligence émotionnelle et relationnelle est une force pour
l’avenir.
Ainsi, face au refus d’un enfant, l’assistante maternelle
peut suggérer en disant, tout en continuant à le cou-
cher : «
Tu as le droit de ne pas avoir envie, c’est vrai. Tu
préférerais continuer à jouer, je peux le comprendre
»
Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises émotions. Aussi
inconfortables, insécurisantes ou valorisantes qu’elles
puissent être, elles sont une manière pour l’enfant de
s’exprimer. Le tout-petit est prisonnier de l’immédiateté
de sa réponse émotionnelle, sans possibilité pour lui de
la penser pour relativiser les choses ou hiérarchiser les
enjeux, car il reste facilement envahi par ses affects.
Réprimer les émotions de l’enfant ne sert donc à rien.
L’empêcher de pleurer ou de crier conduit à le rendre
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Dossier : émotions